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Bundesliga – Manuel Neuer (Bayern) veut continuer à jouer jusqu’à ses 40 ans, en 2026


Il y a quelques années, à l’occasion d’un entretien au long cours avec Uli Hoeness au siège du Bayern, Säbener Strasse, alors que Franck Ribéry refermait le riche chapitre de sa carrière bavaroise, nous avions posé la question : « Pourquoi ne pas prolonger « Kaiser Franck », toujours performant, un an de plus ? » Le grand patron avait répondu, enrobant sa réplique d’un sourire : « Oui, nous aurions pu. Mais il faut bien s’arrêter un jour. » Une scène que l’on pourrait aisément calquer, aujourd’hui, sur la situation de Manuel Neuer. C’est le Bayern, cette fois, qui semble ne pas vouloir considérer qu’il faille s’arrêter un jour, et qui va prolonger son gardien d’une année supplémentaire. Les raisons sont à la fois sentimentales – les moins importantes, peut-être –, sportives et stratégiques.

Jamais dans la carrière du portier bavarois ne s’était esquissé un scénario tel que celui du 8 mai 2024. Ce jour-là, en demi-finale de Ligue des champions contre le Real à Madrid – match ô combien important tant est historique la brûlante rivalité entre deux des plus grands clubs du monde, avec accès à la finale à la clef –, Neuer a fait du Neuer. Écoeurant le Real à grands coups d’arrêts réflexes, de un-contre-un remportés et de précision dans le jeu collectif pendant près d’une heure et demie, il s’apprêtait à qualifier son club quasiment à lui tout seul. Puis, à la 88e minute, stupéfaction, survint une de ces « cagades » qui ne lui arrivent, généralement, que dans les matches sans enjeu. Un ballon anodin pour lui grossièrement relâché, un but du Real, puis un second. Puis un but bavarois valide refusé. Fin de parcours.

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Transfert de Samba, Khusanov sur le départ : « C’est Lens qui a raison »

Crédit vidéo : Eurosport

Comment se mesurer au monstre que l’on a été ?

Peu après, le Real remportait la compétition, laissant sur le palier un Bayern frustré. Et avec deux enseignements : d’une part, un an et demi après son accident de ski, Neuer avait prouvé qu’il était capable d’évoluer encore à son meilleur niveau et de discuter à l’aise à la table des meilleurs gardiens du monde ; d’autre part – et c’était là la nouveauté –, que même dans sa meilleure forme, le natif de Gelsenkirchen-Buer pouvait commettre une boulette fatale. Victime des standards inégalables qu’il avait lui-même établis depuis quinze ans. C’est là toute la tragédie : comment, redevenu humain, se mesurer au monstre que l’on a été ?

Une sorte de mythe de Sisyphe, et une problématique qui hante désormais les débats sur son niveau réel et les interrogations lancinantes sur son avenir. Pour le joueur comme pour son club, la question ne se pose pas. Neuer apprécie au plus haut point la confiance totale que le Bayern lui accorde. L’un écoute son corps, l’autre son capitaine. Qui va donc prolonger sans atermoiement. Chez les dirigeants, on a pourtant bien enregistré les points chauds des derniers mois. Responsabilité engagée dans la défaite à Birmingham face à Aston Villa (0-1). Premier carton rouge de sa carrière en Coupe d’Allemagne contre Leverkusen (0-1), avec ce pas de retard fatal qu’il n’aurait certainement pas eu il y a dix ans. Mais dans les deux cas, la scène est intimement liée à la nature même du jeu de Neuer, fait de prise de risques et d’anticipation, ce jeu par lequel il a révolutionné le poste de gardien et l’a propulsé dans une dimension inconnue jusqu’alors – sauf peut-être de Pascal Olmeta.

18 mois pour préparer la succession

Une nature que personne ne songera à contrecarrer, et qui rend encore d’inestimables services, comme l’a rappelé Karl-Heinz Rummenigge, longtemps président du club et toujours membre du conseil de surveillance, auprès du bi-hebdomadaire botteur. « Il faut savoir se souvenir des grands faits d’armes d’un tel joueur« , a scandé le double vice-champion du monde. « Manuel nous a porté à la victoire dans un nombre de matches incalculable. Incalculable. Chaque personne, au club, sait mesurer sa valeur.« 

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Manuel Neuer (à droite) et Daniel Peretz

Crédit: Getty Images

Tout se résume donc à une question de forme physique. Tant que son corps répondra présent, Neuer jouera. Tout du moins jusqu’en 2026, année de ses 40 ans, où le géant se verrait bien terminer sa carrière en Bavière – les destinations exotiques, très peu pour lui. Ce qui laisse 18 mois au Bayern pour organiser sa succession, avec son étroite participation. D’abord avec Alexander Nübel, sous contrat au FCB, prêté à Stuttgart précisément un an et demi encore. Si l’enchaînement n’est pas gravé dans le marbre, il suffit à Nübel qu’il fasse preuve de constance – l’une des clefs de la survie dans le marigot bavarois – pour avoir toutes les cartes en main sur le moyen terme. Et ensuite avec un jeune talent recruté l’été prochain – Jonas Urbig, le gardien de Cologne, 21 ans, est tout en haut de la liste – qui profiterait de la dernière année de contrat de Neuer, favorable à cette idée, pour s’aguerrir à ses côtés, comme le fait actuellement avec bonheur l’international israélien Daniel Peretz.

Statistiques en trompe-l’oeil

En attendant, les critiques sportives sur « Manu » méritent un sérieux correctif. « Le système mis en place par Vincent Kompany convient très bien à Neuer« , estime la légende Jean-Marie Pfaff, portier du Bayern de 1982 à 1988. « Avec cette façon de jouer, il peut tranquillement être aligné jusqu’à 40 ans, donc jusqu’en 2026« , ajoute le Belge. Qui va même plus loin : « Pour ce style de jeu, le Bayern a besoin d’un gardien du profil de Neuer. Il joue haut, participe beaucoup, n’a pas à sortir de nombreux arrêts. En dépit de son âge, dans ce système, je n’ai aucun doute sur ses qualités.« 

Certes, les chiffres d’occasions converties des adversaires du Bayern, cette saison, sont extrêmement élevés – de l’ordre de 40-45%, ce qui est inédit. Contre Francfort (3-3), le Barça (1-4) ou Dortmund (1-1), livré à lui-même dans le dos d’une défense à 50 m de ses buts, Neuer n’a pas fait de miracle face aux fusées Marmoush, Ekitiké, Raphinha ou Gittens. Mais la position très avancée de l’ancien gardien de Schalke permet aussi au Bayern, encore et toujours, d’étouffer dans l’oeuf une quantité importante de situations potentiellement dangereuses. « Manuel correspond parfaitement à notre façon de jouer et à ce que Vincent Kompany met en place« , insiste le directeur sportif Christoph Freund. « Il fait une bonne saison et est très important dans notre jeu.« 

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Manuel Neuer revient dans les buts du Bayern

Crédit: Getty Images

Rôle crucial dans le vestiaire

La partie immergée de l’iceberg joue aussi en faveur du champion du monde 2014. Neuer incarne la hiérarchie et demeure, à l’instar de Thomas Müller, un puissant facteur d’identification. Il incarne aussi, de fait, une bonne décennie de succès, avec deux Ligues des champions, une Coupe du monde, onze titres de champion, cinq Coupes d’Allemagne, deux Coupes du monde des clubs. Si les responsables du secteur sportif soulignent régulièrement l’importance de Kimmich et de Musiala dans le futur du Bayern, ils n’ont pas besoin de souligner celle de Müller et Neuer, qui va de soi, dans le présent. Leur succession, quoi qu’il arrive, constituera une mission herculéenne. De ce point de vue, former la « descendance » n’est pas l’aspect le moins important de la prolongation de contrat qui s’en vient.

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